20 avril 2020
– Lettre de tes ovaires –
Hey y’a quelqu’un. Ho ho, tu nous entends ?
Ça fait un peu trop longtemps qu’on nous ignore là dedans.
Une fois par mois, on a beau te rappeler à ton bon souvenir.
Rapidement, avec l’aide d’un antalgique, tu te presses de nous faire taire.
Vu que tu nous laisses enfin la parole et avant de te faire nos réclamations, laisse nous un peu te rappeler notre fastidieux métier que nous réalisons depuis que tu es née et pourquoi il serait peut-être un peu temps de te réveiller.
Tout d’abord sais-tu que depuis que tu as vu le jour à la maternité, plus d’un millions d’ovocytes nous ont généreusement été légués !
Des millions qui valent plus que de l’or.
Pendant 14 ans, on n’y a pas touché. Précieusement, nous les avons conservés.
Un peu comme on garde de bons vins jusqu’à maturité.
Puis il a fallu qu’on t’apprenne les règles.
Depuis ce jour chaque mois, nous avons du nous en délester de quelques uns.
En effet, durant 14 jours, ma collègue l’hypophyse nous arrose d’une hormone appelée la FSH qui provoque une grosse stimulation créant ainsi la fameuse période d’ovulation.
Petit à petit, on devient un peu bouffis et les ovocytes qui nous encercle, aussi.
Dans cette danse mensuelle judicieusement rythmé, un seul parmi les millions sera prêt à être fécondé pour se transformer en ovule surexcitée !
Vers la fin des 14 jours, une autre hormone appelée LH arrive dans la danse et va permettre à l’élue de se détacher à la recherche effrénée d’un spermatozoïde surmotivé.
Attention, le lancement n’est pas super précis. Il y a des facteurs qui peuvent changer la donne de un à deux jours près.
Mais le problème n’est pas là.
Cela fait bientôt 30 ans qu’on bosse dur et en continue.
Toutes les équipes sont au front : l’hypophyse, le sang, les trompes de fallopes, les ovocytes et nous deux.
Tous les mois, la ronde est bien menée, on largue les amarres mais chaque mois rien et y’en a marre.
A l’horizon aucun départ vers l’utérus, rien qui laisse envisager un peu de paix le temps de laisser grandir un foetus.
Alors ce petit mot pour te dire qu’on commence un peu à fatiguer.
On attend tous impatiemment le jour où une ovule sera fécondée pour enfin avoir droit à une dizaine de mois en congés.
En France, 96% des autres ovaires auront droit au moins une fois dans leur vie à une petite année sabbatique avant la retraite ! Certes on te l’accorde, ça fait quand même un petit million d’ovaires comme nous à faire la tête.
De plus, tu te doutes bien que la réserve commence à sévèrement diminuer à force d’en larguer chaque mois sans jamais transformer.
T’inquiète pas, ils vont bien. On a gardé que les meilleurs pour la fin.
Mais on voulait juste s’assurer que t’es bien au courant que dans moins de 10 ans, les réserves seront épuisées si tu veux être maman.